Le recrutement anonyme consiste à éliminer d’une candidature, particulièrement sur le CV, tout élément susceptible de mener à une forme de discrimination de la part des recruteurs : nom, sexe, origine ethnique, âge, etc. Un bon moyen d’accroître la diversité en emploi ?
Les tenants du recrutement anonyme (blind hiring en anglais) affirment qu’il permet d’éviter les biais, conscients ou non, et d’élargir le bassin de postulants en les mettant tous sur un pied d’égalité.
Phénomène nouveau et encore peu étudié, cette technique d’embauche a ses adeptes en Europe et Amérique du Nord. La fonction publique britannique et des firmes comme Deloitte ou Google, notamment, l’utilisent.
Chez nous, le gouvernement fédéral canadien a mené un projet pilote sur la question en 2017, avec des résultats nuancés.
« Les organisations sont de plus en plus proactives en matière de diversité, et le CV anonyme fait partie des outils à leur disposition », explique Denis Morin, CRHA, professeur au Département d’organisation et ressources humaines de l’ESG UQAM, qui se montre quelque peu sceptique face à l’efficacité réelle de ce procédé.
« Prétendre que le recrutement à l’aveugle va faire des miracles, c’est malheureusement faux, ajoute-t-il. Le processus ne se termine pas au moment où l’on envoie son CV. C’est bien beau d’enlever des informations susceptibles d’influencer les biais ou préjugés, mais tôt ou tard dans le processus, l’intervieweur va avoir le candidat en face de lui. »
Des études ont aussi avancé que le recrutement anonyme pourrait s’avérer contre-productif si une entreprise est déjà dotée de politiques de discrimination positive ou de cibles d’embauches diversifiées.
Faire une sélection à partir de CV neutres ne serait donc que la première étape d’un processus plus vaste pour mettre fin aux discriminations en emploi.
Formation et sensibilisation
Pour accroître la diversité au sein des entreprises, Denis Morin propose plutôt de miser sur la formation des recruteurs.
Il suggère notamment de s’appuyer sur des entrevues standardisées et d’établir des liens factuels entre les exigences de l’emploi et le profil professionnel du candidat recherché.
« Il faut tous être conscients qu’on peut avoir des biais, rappelle Denis Morin. Il faut toujours revenir à la base du recrutement et s’y limiter : quel est le profil que nous recherchons sur le plan des habiletés ? Quels sont nos besoins sur le plan opérationnel ? Quelles sont les compétences et les qualifications requises ? Point final. »
Une bonne sensibilisation aux enjeux juridiques du recrutement est également à prescrire.
En effet, la Charte québécoise des droits et libertés, qui interdit la discrimination en emploi, s’applique à toutes les étapes de la sélection : les tests d’embauche, les entrevues, la prise de référence, voire l’examen médical.
« Une bonne formation sur les enjeux juridiques de la sélection du personnel est un gage de succès, estime Denis Morin. Il faut toujours se rappeler qu’on n’est pas infaillible dans notre jugement et se demander comment rendre la démarche la plus imperméable possible aux biais, pour ne pas éliminer en cours de route des personnes qui pourraient s’avérer très compétentes. »
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